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09 May

Mylène Farmer se transforme en prêtresse gothique au Stade de France (et le sortilège opère)

Publié par Mylène Farmer

Mylène Farmer se transforme en prêtresse gothique au Stade de France (et le sortilège opère)
Mylène Farmer se transforme en prêtresse gothique au Stade de France (et le sortilège opère)
Reportés depuis plus d'un an, les concerts de Mylène Farmer au Stade de France ont enfin lieu, répartis sur trois dates inédites pour clôturer son impressionnante tournée Nevermore. Vogue y était.

Au Stade de France, la fébrilité est palpable. À pénétrer dans son immense enceinte (prête à accueillir jusqu'à 80 000 personnes), on ne peut que se souvenir de la déception des fans de Mylène Farmer, lorsque ses concerts, prévus en juin 2023, s'étaient trouvés annulés suite aux manifestations à Saint-Denis en protestation contre la mort de Nahel, un adolescent de 17 ans tué par un policier après un refus d'obtempérer à Nanterre. Avec la réquisition du Stade de France pour les Jeux Olympiques Paris 2024, la chanteuse avait dû patienter, pour déplacer les deux dernières dates de sa tournée Nevermore aux 27 et 28 septembre 2024. Deux concerts complets, auxquels elle ajoutait un ultime rendez-vous, ce 1er octobre 2024. Alors qu'elle lançait le coup d'envoi de ces trois soirées exceptionnelles hier soir, que faut-il retenir de la tournée Nevermore, aujourd'hui devenue la plus grande tournée des stades pour une artiste française ?

Mylène Farmer dans un costume rouge imagin par Olivier Theyskens sur la scène du Stade de France le vendredi 27...

Mylène Farmer, sorcière des temps modernes

Ce vendredi 27 septembre, le Stade de France avait des allures halloweenesques. Si nous connaissions l'amour que Mylène Farmer porte pour Edgar Allan Poe et Charles Baudelaire, nous avons eu sous nos yeux la confirmation que son univers macabre, qui se déploie dans les textes de chansons comme “Tristana” ou “Que l'aube est belle”, persiste jusque dans la moindre de ses idées. En effet, il faut noter que la chanteuse est celle qui a conçu ce spectacle dans ses moindres détails. En amont du concert, c'est donc bien un corbeau géant qui trône sur la scène, haut de plusieurs mètres. Le même animal qui peuple la plupart des visuels de la tournée Nevermore, qui tire son nom du poème Le Corbeau d'Edgar Allan Poe (1845). L'obsession de l'artiste pour Poe n'est pas nouvelle : en 1988 déjà, elle signait dans l'album Ainsi soit-je... une chanson intitulée “Allan” où déjà transpirait son amour pour celui que l'on peut aujourd'hui considéré comme son auteur favori.

Mylène Farmer aurait pu s'arrêter là, et imaginer une tournée uniquement articulée autour du poème de Poe, mais ce serait méconnaître son imagination débordante. En deux heures, le concert enchaîne les tableaux souvent bien éloignés les uns des autres, mais toujours reliés par la même ambiance gothique, devenue la signature de la chanteuse. C'est par exemple, en introduction de “Que je devienne”, un cortège de mages encapuchonnés qui s'avancent sur scène, alors qu'une immense structure, figurant un sorcier ou un fantôme (c'est selon), s'érige au beau milieu de la scène. Non : Mylène Farmer n'a pas peur d'être trop. Et c'est peut-être là ce qui la rend si géniale. Malgré la timidité maladive qu'on lui connaît, son amour pour la scène est palpable, tout comme son plaisir à nourrir ses performances de détails macabres, à l'instar des silhouettes à la croisée entre des corbeaux et des médecins vénitiens en pleine épidémie de peste. Ces mêmes silhouettes, qui s'érigent au passage de l'artiste sur le premier morceau du concert (le très électronique “Du Temps”), ou que l'on retrouve sur “Désenchantée”, point d'orgue de la soirée, alors que les danseurs et danseuses arborent des masques

Quarante ans de carrière célébrés

La longévité de la carrière de Mylène Farmer est peut-être son plus grand exploit. Une tournée comme Nevermore ne fait que le rappeler. Ses titres les plus anciens côtoient les plus récents, dans un savant mélange entre morceaux électroniques au tempo élevé (le tubesque “Oui mais non” ou “Peut-être toi”) et ballades déchirantes qui permettent à son public de souffler (ou de pleurer) à l'instar de “Tristana” (1986) et de “Rêver” (1995), chanson pour laquelle l'artiste apparaît dans une robe longue couverte de paillettes argentées, uniquement accompagnée d'Yvan Cassar au piano. Mylène Farmer se permet même de convier, en invité surprise, le chanteur Seal, avec qui elle chantait “Les Mots” en 2011. La surprise et la ferveur qui parcourt le public au moment de son entrée sur scène avait alors des airs de victoire en plein coupe du monde de football.

inquiétants.

Aidée de figures comme Olivier Schultheis à la direction musicale, Woodkid pour certaines des images (“Que l'aube est belle”), Emmanuelle Favre aux décors ou même Parris Goebel pour certaines chorégraphies (d'autres, comme “Désenchantée” sont signées Mylène Farmer elle-même), la chanteuse délivre un spectacle presque acrobatique, tant ses grands écarts sont intenses. Fourmillant de références diverses, le concert se transforme en constellation de talents hétéroclites, avec ses moments de grâce comme ses numéros moins puissants. On salue ainsi des passages chargés d'une intensité sans pareille, à l'instar de la tragique interprétation de “Que l'aube est belle”, l'un des plus beaux morceaux du dernier album de Mylène Farmer, L'Emprise (2022). Plus loin, alors que les premiers mots du cultissime “Désenchantée” résonnent, on s'étonne de l'arrangement musical choisi, qui fait perdre au morceau sa force originelle. Mais qu'importe, puisque le Stade de France grouille de quelques 80 000 personnes qui n'attendaient que de pouvoir reprendre en cœur ce qui est devenu un hymne pour de nombreuses générations. C'est donc dans l'absence de musique que le concert de Mylène Farmer se fait le plus émouvant, lorsque le temps s'arrête que s'élèvent dans les airs le refrain, intemporel : “Tous mes idéaux : des mots abimés... / Je cherche une âme, qui pourra m'aider / Je suis d'une génération désenchantée”. Et Mylène Farmer de sourire : “C'est incroyable d'avoir une chanson qui résonne autant” avant de faire répéter encore et encore les paroles à son infatigable public. Après quarante ans de carrière, c'est toujours là que réside le point de fascination le plus tangible de la chanteuse rousse : son lien indéfectible avec ses fans, nourri d'une émotion sincère.

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